jueves, 3 de diciembre de 2015

L’art de la guerre imbécile

Dans l’engrenage de la terreur

L’art de la guerre imbécile

Revendiquées par l’Organisation de l’Etat islamique (OEI), les tueries du 13 novembre dernier à Paris ont entraîné l’intensification de l’engagement occidental au Proche-Orient. Cette région du monde paraît ainsi condamnée aux interventions armées. Pourtant, si la destruction militaire de l’OEI en Syrie et en Irak constitue un objectif sur lequel semblent s’accorder des dizaines de pays étrangers, des Etats-Unis à la Russie, de l’Iran à la Turquie, tout le reste les sépare…
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Yaser Safi. – « Militarization of Ideas » (Militarisation des idées), 2014
Mark Hachem gallery
«Je ne suis pas contre toutes les guerres. Ce à quoi je m’oppose, c’est à une guerre imbécile, une guerre irréfléchie, une guerre fondée non pas sur la raison mais sur la colère. »Ainsi parlait, le 2 octobre 2002, un élu de l’Illinois nommé Barack Obama. La « colère » consécutive aux attentats du 11 septembre 2001 n’était pas retombée aux Etats-Unis, et le président George W. Bush avait choisi de la rediriger non pas vers l’Arabie saoudite, d’où provenaient la plupart des membres des commandos d’Al-Qaida, mais vers l’Irak, qu’il attaquerait six mois plus tard. Les médias voulaient la guerre ; la plupart des sénateurs démocrates, dont Mme Hillary Clinton, s’y rallièrent. Et l’invasion de l’Irak créa le chaos qui servirait d’incubateur à l’Organisation de l’Etat islamique (OEI).
Les tueries du 13 novembre à Paris sont en passe de favoriser les deux principaux objectifs de cette organisation. Le premier est la création d’une coalition d’« apostats », d’« infidèles », de « renégats chiites » qui viendra la combattre, en Irak et en Syrie pour commencer, en Libye ensuite. Son second projet est d’inciter la majorité des Occidentaux à croire que leurs compatriotes musulmans pourraient constituer une « cinquième colonne » tapie dans l’ombre, un « ennemi intérieur » au service des tueurs.
La guerre et la peur : même un objectif apocalyptique de ce type comporte une part de rationalité. Les djihadistes ont calculé que les« croisés » et les « idolâtres » pouvaient bien bombarder (« frapper ») des villes syriennes, quadriller des provinces irakiennes, mais qu’ils ne parviendraient jamais à occuper durablement une terre arabe. L’OEI escompte par ailleurs que ses attentats européens attiseront la méfiance envers les musulmans d’Occident et généraliseront les mesures policières à leur encontre. Ce qui décuplera leur ressentiment au point de pousser quelques-uns d’entre eux à rejoindre les rangs du califat. Extrêmement minoritaires, assurément, mais les janissaires du djihadisme salafiste n’ont pas pour (...)
Taille de l’article complet : 2 753 mots. http://www.monde-diplomatique.fr/2015/12/HALIMI/54355

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Serge Halimi
(1) Pierre-Jean Luizard, Le Piège Daech. L’Etat islamique ou le retour de l’Histoire, La Découverte, Paris, 2015.
(2) Colin Powell, A Soldier’s Way. An Autobiography, Hutchinson, Londres, 1995.
(3) France Inter, 19 novembre 2015.
(4) Pierre-Jean Luizard, op. cit.
(5) Europe 1, 22 novembre 2015.
(6) Le Point, 6 décembre 2012. Dans Le Point du 16 novembre 2015, Bernard-Henri Lévy offrait son « Guerre, mode d’emploi » pour la Syrie…
(7) « Le président français ne s’est rapproché de la Russie qu’après qu’elle a revu sa politique syrienne du tout au tout », a prétendu, sans rire, Bernard Guetta le 19 novembre 2015. Lire par ailleurs Pierre Rimbert, « Le théorème de Guetta », Le Monde diplomatique, novembre 2008.
(8) Valeurs actuelles, Paris, 19 novembre 2015.
(9) Cf. Robert Kagan, « The crisis of world order », The Wall Street Journal, New York, 21 novembre 2015.
(10) Steven Simon et Jonathan Stevenson, « Why Washington’s Middle East pullback makes sense », Foreign Affairs, New York, novembre-décembre 2015.
(11) Eric J.Hobsbawm, L’Empire, la Démocratie, le Terrorisme, André Versaille Editeur - Le Monde diplomatique, Bruxelles - Paris, 2009.

DOSSIER DANS L’ENGRENAGE DE LA TERREUR

En perpétrant des attentats aveugles dans les rues de Paris, Tunis ou Beyrouth, les djihadistes veulent semer la terreur. Ils espèrent ainsi se singulariser face à un monde qu’ils exècrent, en suscitant des réactions guidées par la peur. Chercher à comprendre impose de revenir sur les convulsions qui secouent le Proche-Orient depuis cinq (...)

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